Quels 23 pour la Coupe du Monde : milieux et attaquants

Écrit par I.Haffoud, le 22 mars 2022 à 08:24.

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Troisième partie de notre analyse consacrée à la liste des 23 de Didier Deschamps en vue du prochain Mondial. Après s'être occupé du gardien et de la ligne de 4 (ou de 5), place au double pivot et à l'attaque.

Les précédents articles avaient permis de dégager quelques tendances. Dans les buts, si Hugo Lloris paraît indéboulonnable d'ici le Mondial, Mike Maignan pousse fort et ses statistiques devraient même le placer devant dans la hiérarchie. L'analyse des pistons et des latéraux avait ensuite permis de justifier par les chiffres la convocation de Jonathan Clauss, loin devant tous ses concurrents en termes de créativité. De quoi atténuer la surprise de voir le Lensois finalement appelé jeudi dernier. 

Quel double pivot ? 

La quasi-obligation de faire jouer Kylian Mbappé, Karim Benzema et Antoine Griezmann et le probable maintien de la défense à trois ne laisse que deux places au cœur du jeu – avec probablement trois remplaçants. Dans un tel système, les hommes qui occupent l'axe doivent être en priorité capables d’assurer l’équilibre défensif. Mais quels sont les milieux français qui se distinguent statistiquement dans le domaine ?

Longtemps mètre étalon en Europe, et a fortiori chez les Français, N'Golo Kanté est dépassé par Aurélien Tchouameni en termes de volume de récupération. Annoncé comme le successeur de Casemiro au Real Madrid, le Monégasque est aujourd'hui le joueur qui gratte le plus de ballons dans les cinq grands championnats. Avec 6,5 récupérations par 90 minutes (ajustées par le temps de possession), il devance nettement son compatriote, qui reste dans la moyenne haute avec Chelsea (4,7 par 90 minutes). 

Cette donnée place Maxence Caqueret comme deuxième meilleur Tricolore (5,7), devant Benjamin André (5,3) et Manu Koné (5,1). On retrouve ensuite dans un mouchoir de poche les Marseillais Valentin Rongier (5,1) et Boubacar Kamara (5), tous deux loin devant leur partenaire Mattéo Guendouzi (2). Ce dernier évolue cependant dans un rôle beaucoup plus offensif à Marseille, qui pourrait s’apparenter à celui d'un milieu offensif. Présent au rassemblement de mars, Paul Pogba (2,5) est assez nettement en dessous de la médiane du poste, tandis qu’Adrien Rabiot est légèrement au-dessus (3,5).

La quantité de récupérations ne dit cependant pas tout du contrôle défensif, et Maxence Caqueret l'illustre parfaitement. Fort de son endurance incroyable, il se met en valeur grâce à sa générosité au pressing… mais son volume de récupérations se fait au détriment de nombreuses actions où il est éliminé par un dribble adverse. Il ne stoppe ainsi que 31% des dribbles tentés par ses adversaires. Si l’objectif est d’effectuer un pressing à la perte agressif, il peut être parfait. En revanche, si l’objectif est de contenir l'opposition tout en se replaçant, il devra sortir de sa zone de confort. 

Parmi les joueurs appelés, Rabiot (50%), Tchouameni (48%) et Kanté (43%) affichent un profil plus sécurisant face aux dribbles que le Lyonnais. A contrario, Pogba (28%) et Guendouzi (26%) ne brillent pas plus avec cette mesure qu’avec la précédente. 

Paul Pogba reste toutefois essentiel avec les Bleus de par son rôle avec le ballon, en apportant une dose bienvenue de créativité et de verticalité. Parmi les milieux français avec suffisamment de temps de jeu – ce qui exclut Tanguy Ndombele et Eduardo Camavinga –, un seul semble capable de remplir également ce rôle : Téji Savanier. Le Montpelliérain réalise légèrement plus de dribbles (3 par 90 minutes) que Paul Pogba (2,5). En termes d’entrées par la passe dans le dernier tiers, leurs chiffres sont relativement similaires (5,7 par 90 minutes contre 7). 

Aucun autre milieu n’a un niveau de dribble proche tout en ayant un jeu de passe aussi vertical. Manu Koné est le troisième Français réussissant le plus de dribbles (2,2 par 90 minutes), suivi de N’Golo Kanté (2). Plus globalement, le profil statistique de l’ancien Caennais est extrêmement complet. 

Au coude à coude, on retrouve Valentin Rongier (6,6 par 90 minutes) comme deuxième milieu Tricolore réussissant le plus de passes entrant dans le dernier tiers, suivi par Jordan Ferri (6,6) et Maxime Lopez (6,6). Chez les joueurs sélectionnés, et sans grande surprise, Rabiot fait figure de mauvais élève : il réussit peu de dribbles (1,1 par 90 minutes) et est l’un des Français qui réussit le moins de passes vers le dernier tiers (2,2). Tchouameni et Guendouzi ne sont pas parmi les plus dribbleurs (1,2 et 0,9) mais restent bien situés sur les passes (5,7 et 6,3).

Parmi les milieux centraux, trois joueurs de la liste semblent assez rapidement indiscutables : Pogba, Kanté et Tchouameni. Guendouzi est une option envisageable mais ne se distingue pas particulièrement sur le plan statistique. Rabiot reste en revanche un choix extrêmement critiquable. Selon les critères présentés, les candidats très sérieux aux deux dernières places pourraient être Koné, Caqueret, Rongier et Savanier. Notons toutefois qu’Eduardo Camavinga et Tanguy Ndombele, qui n’ont pas été évoqués par manque de temps de jeu, sont aussi des prétendants très crédibles.

Les attaquants 

Au moment de choisir des joueurs à vocation offensive, le premier critère sera toujours la production face au but. Aujourd'hui, Karim Benzema a le rythme le plus impressionnant (0,74 but hors penalty par 90 minutes). Une prouesse qui s’appuie sur une surperformance de +35% de ses Expected Goals (0,55 NPxG par 90 minutes). Cela pourrait être un motif d’inquiétude chez un joueur lambda mais il s’agit de la quatrième saison consécutive durant laquelle Benzema affiche ce niveau de finition. Ce n’est donc certainement pas une simple question de réussite. 

Le Madrilène est suivi par trois noms plutôt inattendus, qui surperforment tous significativement par rapport à leurs Expected Goals : Anthony Modeste (0,68 but pour 0,58 NPxG par 90 minutes), Martin Terrier (0,65 pour 0,43 NPxG) et Hugo Ekitike (0,63 pour 0,36 NPxG). Pour ces joueurs, cette saison est une marque importante de leur carrière mais il faudra probablement une confirmation sur la durée et au niveau européen pour réellement rentrer dans la conversation. 

Les trois surprises de la saison sont suivies par quatre sélectionnés : Christopher Nkunku (0,60 pour 0,44 NPxG), Kylian Mbappé (0,55 pour 0,59 NPxG), Moussa Diaby (0,53 pour 0,29 NPxG) et Wissam Ben Yedder (0,46 pour 0,30 NPxG). Le Parisien est le seul du quatuor à être en légère sous-performance. À l’inverse, le joueur du Bayer Leverkusen surfe sur son succès insolent dans la zone de vérité… à un niveau insoutenable. Olivier Giroud (0,43 pour 0,40 NPxG) n’est pas très loin. Kingsley Coman (0,36 pour 0,31 NPxG) et Antoine Griezmann (0,26 pour 0,23 NPxG) sont un cran en dessous de ce point de vue. Mais, en équipe de France, ils sont surtout là pour apporter leur créativité. 

Cette prise en compte d'un registre plus proche du numéro 10 traditionnel n'aide pas beaucoup Griezmann, qui est autour de la médiane. Il trouve autant de passes décisives potentielles que Ben Yedder (0,18 xA par 90 minutes) et, hors coups de pied arrêtés (CPA), les deux hommes réalisent quasiment autant de « shot-creating actions » (SCA) : 2,6 par 90 minutes pour le Colchonero contre 2,4 pour le Monégasque.

Olivier Giroud est, de très loin, l’appelé avec le moins d’Expected Assists (0,10 xA par 90 minutes). Coman brille lui un peu plus (0,24 xA et 3,5 SCA par 90 minutes) que précédemment, mais est tout de même devancé en xA par les quatre autres appelés. Le nouvel arrivant, Nkunku, se signalait déjà face au but et se révèle encore plus brillant à la création. Il est le sélectionné avec le plus de passes décisives potentielles (0,34 xA /90) et de SCA dans le jeu (4,4). Étonnamment, les trois Français qui complètent le plus de xA ne sont pas dans le groupe actuellement. 

Dimitri Payet est le leader (0,38 xA/90) de cette catégorie et, contrairement à ce qui est souvent affirmé par ses détracteurs, ne s’appuie pas seulement sur sa qualité sur les phases arrêtées puisqu'il est le leader des SCA dans le jeu (5,3/90). Quand on prend l'intégralité des actions, il est suivi de près par Benjamin Bourigeaud (0,36 xA/90), qui bénéficie clairement des coups de pied arrêtés. Petite surprise : c'est Alassane Pléa qui complète ce podium (0,35 xA/90) alors qu’il joue dans un Borussia Mönchengladbach assez moribond cette saison.

L'équipe de France s’appuie depuis longtemps sur des exploits individuels pour faire sauter les verrous des blocs bas. Elle a donc besoin de quelques dribbleurs qui sortent de l'ordinaire. Sans trop de surprise, Coman et Mbappé sont les deux meilleurs Français pour rentrer balle au pied dans la surface adverse (2,8 et 2,3 par 90 minutes respectivement). Nabil Fékir (2,0), Allan Saint-Maximin (1,9) et Franck Ribéry (1,8) les suivent. Des chiffres particulièrement impressionnants pour les deux derniers, qui évoluent dans des équipes en souffrance offensivement.

Comme attendu, le joueur de Newcastle est également de très loin celui qui réussit le plus de dribbles (4,6 par 90 minutes). Assez logiquement, Giroud est parmi les sélectionnés celui qui pénètre le moins dans la surface (0,1) et celui qui dribble le moins (0,2). Le graphique confirme la saison très compliquée de Griezmann, qui pénètre peu dans la surface (0,7 par 90 minutes) et dribble rarement (0,7 par 90 minutes). 

Pour être complet, il faut tout de même signaler que la grinta défensive du Colchonero est bien réelle. Dans le groupe français, il est l’offensif le plus actif au pressing en compagnie de Nkunku et Giroud (20 pressings déclenchés par 90 minutes ajustés par le temps de possession). A contrario, Mbappé, Benzema et Diaby sont très passifs pendant ces phases. Les meilleurs Français dans le domaine sont les internationaux espoirs Sofiane Diop et Georginio Rutter, très intéressant avec Hoffenheim.

Enfin, l’inclusion de Giroud pour remplacer Benzema a changé la donne, mais l’absence de spécialiste du jeu aérien dans la première liste pouvait être une légère source d’inquiétude puisqu’il est arrivé par le passé que les Bleus abusent des centres. Même si Benzema gagne très peu de duels aériens en club (0,6 par 90 minutes), il a cependant montré de grandes capacités à remplir ce rôle quand c’était nécessaire et, face au but, en a même fait une petite spécialité en club. Giroud (4,3 par 90 minutes) reste à l'heure actuelle le seul expert dans les airs crédible en sélection.

En conclusion, Benzema et Mbappé sont intouchables tant en termes de statut que de statistiques. À la vue des données, la place de Griezmann ne se justifie plus que par son passé chez les Bleus. Auteur d'une saison formidable, ce que confirment les différents indicateurs, Nkunku décroche une place totalement méritée. Coman, parfois aligné piston au Bayern, présente un profil atypique qui semble lui assurer sa place. En revanche, selon le profil recherché sur le dernier poste (numéro 9 ou milieu offensif), la concurrence pourrait être féroce jusqu’au bout pour Diaby et Ben Yedder. Giroud, Fékir, Saint-Maximin et Payet, tous dans un style différent, tiennent des niveaux de performance suffisamment élevés pour être des candidats à la liste des 23 de l'automne prochain. 

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