Les divisions inférieures allemandes, laboratoire des évolutions tactiques du jeu

Écrit par J.Momont, le 8 août 2021 à 12:18.

Les divisions inférieures allemandes, laboratoire des évolutions tactiques du jeu

Si « sans évolution, le sport est mort », selon Arrigo Sacchi, la vitalité du jeu n'est pas seulement entretenue par les meilleures équipes européennes. En Allemagne, respectivement en D2 et en D3, Hambourg et Magdebourg dessinent les prémices du football du futur.

Peu de personnages ont eu plus d'impact que Ralf Rangnick dans la transformation du football allemand au XXIe siècle. L'ancienne tête pensante d'Hanovre, Schalke 04, Hoffenheim et du groupe Red Bull en faisait le bilan sur ESPN FC, en octobre 2020« Comme nous l'avons montré dans les vingt dernières années, nous pouvons rester fidèles aux valeurs allemandes, que l'on peut caractériser comme la discipline, la combativité et une énorme envie de gagner dans notre style de jeu, tout en développant des entraîneurs de haut niveau à l'esprit stratégique qui savent comment jouer un football moderne. »

Avec Jürgen Klopp, Rangnick a été l'initiateur de la première vague, infusant ses idées d'intensité, de contre-pressing, de vitesse et de verticalité dans toutes les équipes au taureau rouge. Vinrent ensuite Thomas Tuchel et Julian Nagelsmann, plus orientés vers le jeu de position dont le Bayern de Pep Guardiola (2013-2016) fit une éclatante publicité outre-Rhin. « Avant l’arrivée de Pep, personne en Allemagne ne connaissait le concept de jeu de position », affirme l'analyste Tobias Escher dans La Métamorphose. Dans l'ombre, d'autres techniciens moins renommés poussent désormais ses concepts encore plus loin, les alliant parfois à la philosophie originelle du « football total », et défrichent de nouvelles voies de développement du jeu.

La flexibilité extrême du Hambourg de Tim Walter (D2)

En 2018/19, Holstein Kiel avait été l'une des équipes fétiches des amateurs de tactique, émoustillés à chaque projection sans ballon de ses défenseurs centraux sur les phases de relance. L'entraîneur Tim Walter avait porté ses joueurs jusqu'à une honorable sixième place, assez pour taper dans l’œil de Stuttgart, relégué de Bundesliga à l'été 2019. Après seulement six mois chez les Roten, voilà Walter de retour sur le banc d'un ogre endormi du football allemand : Hambourg.

L'ancien coach des équipes de jeunes du Bayern a annoncé la couleur dès la première journée, avec une victoire à Gelsenkirchen face à Schalke 04 (3-1) et des principes de jeu intacts. L'animation : un 4-3-3 étroit en phase défensive avec pressing haut systématique, et un 4-1-5 en phase offensive. Le relayeur gauche, David Kinsombi, se muait en ailier gauche, et le relayeur droit, Ludovit Reis, s'insérait dans le demi-espace de la ligne offensive de cinq.

L'entrejeu est ici généralement dépeuplé pour deux raisons :

- la construction est principalement orientée vers les côtés, pour des combinaisons à quatre ou cinq éléments ;

- nul besoin, dès lors, de multiplier les relais au cœur du jeu : la ligne offensive et le seul milieu axial libèrent la zone et fixent l'adversaire plus haut, accroissant les espaces pour les premiers relanceurs. Les défenseurs peuvent alors manipuler la première ligne de pression adverse par des mouvements sans ballon coordonnés, afin de générer des hommes libres et des conditions avantageuses de progression. Illustration sur la première séquence de possession du match :

Pressé, le défenseur central gauche, Sebastian Schonlau, transmet à son latéral gauche, Tim Leibold. L'excentré de Schalke déclenche son pressing ; Schonlau se projette dans le demi-espace libéré, entraînant son adversaire direct avec lui.
Ce mouvement d'aspiration a ouvert la passe en retrait pour le gardien, Daniel Heuer Fernandes, qui fait office d'homme libre. Après sa transmission, Leibold prend à son tour l'espace axial libéré par la projection de Schonlau.
 Heuer Fernandes n'oriente pas son contrôle vers l'espace côté opposé, mais il dispose quand même d'une solution dans la densité : Kinsombi compense le mouvement intérieur de Leibold en décrochant le long de la ligne de touche, dans la zone libérée.

Quand l'adversaire en phase défensive oriente le jeu

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