Mbappé reste à Paris : quels effets du nouveau fair-play financier pour le PSG ?

Écrit par C.Opposée, le 23 mai 2022 à 20:33. Mis à jour le 23 mai 2022 à 21:28.

Mbappé reste à Paris : quels effets du nouveau fair-play financier pour le PSG ? Accès libre

Début avril, l’UEFA présentait son nouveau règlement sur la viabilité financière, mise à jour du fair-play financier. Quelques semaines plus tard, un PSG qui accumule les pertes annonce la prolongation du contrat de Mbappé, qui devrait recevoir au passage une belle prime à la signature.

Dans un communiqué de presse lapidaire suivant le nouveau contrat de Kylian Mbappé, La Liga a immédiatement annoncé son intention de porter plainte contre le PSG devant l'UEFA, les autorités administratives et fiscales françaises, ainsi que devant les instances compétentes de l'Union européenne. La ligue espagnole accuse le club de la capitale de fausser la concurrence et de ne pas respecter les règles qui auraient dû lui interdire de proposer une augmentation à sa star :

"Il est scandaleux qu'un club comme le PSG, qui a perdu la saison dernière plus de 220 millions d'euros, après avoir accumulé des pertes de 700 millions d'euros ces dernières saisons (même en déclarant des revenus de sponsoring d'un montant très douteux), avec un coût d'effectif d'environ 650 millions d'euros pour cette saison 21/22, puisse faire face à un accord de ces caractéristiques alors que les clubs qui pourraient assumer l'arrivée du joueur sans voir leur masse salariale compromise, se retrouvent sans pouvoir le signer."

Le PSG viole-t-il les règles de l’UEFA ? Fausse-t-il la concurrence ? Profite-t-il d’un allègement des règles ? À quelles sanctions éventuelles s’expose-t-il ? Pour le savoir, commençons par un rappel des changements apportés au fair-play financier. Le nouveau règlement, qui entrera en vigueur la saison prochaine, limite les dépenses de deux façons : les générales d’une part, et les frais liés à l’équipe d’autre part.

Le premier point sur les dépenses générales ("règle relative aux recettes du football") autorise les clubs à un déficit de 60 millions d’euros sur 3 ans (contre 30 millions d’euros actuellement) s'il est couvert par l'actionnaire, avec un bonus de 10 millions par an en cas de bonne santé financière. Cet assouplissement bénéficie clairement aux clubs comme le PSG dont l'actionnaire semble pouvoir acheter sans compter… mais il ne concerne pas les dépenses les plus importantes, qui sont les frais liés aux joueurs, puisque celles-ci sont limitées par une nouvelle règle.

L'allègement apparent du FPF ne porte donc que sur des points comme les infrastructures, la gestion des événements, les salaires des équipes marketing, des équipes jeunes et féminines, etc. qui représentent environ 30% des coûts totaux des clubs et qui ont peu d'influence sur les résultats sportifs. Autrement dit, si le PSG ou d'autres clubs décident d'en profiter pour investir et porter leur déficit à 30 millions d’euros par saison, cet argent ne pourra pas servir à acheter des joueurs ou à payer leurs salaires puisque ces frais seront limités de manière plus stricte.

La "règle relative aux frais liés à l'équipe" prévoit en effet de limiter les dépenses en salaires, transferts de joueurs (amortissements) et commissions payées aux agents pour l'ensemble de l'effectif professionnel et l'entraîneur à 70% des revenus football d'un club. Cette règle s'applique de la même façon pour tous : aucune exception, aucun écart autorisé et des sanctions financières transparentes (mais limitées à 100% de l'écart) en fonction de la gravité et de la fréquence des infractions.

Quid des sanctions sportives, comme l’exclusion des coupes d’Europe tant redoutée ? L’UEFA indique clairement que les clubs qui commettront des “manquements importants” (cases rouges et rouges foncées dans le tableau ci-dessus) s’exposeront à des sanctions additionnelles déterminées au cas par cas par un organe de contrôle indépendant. Cet organe est le même qui gère celles qui sont appliquées à l'heure actuelle, lesquelles sont listées dans un document qui n’a pas été modifié et qui parle dans sa version 2021 d’exclusion des compétitions.

Ce catalogue sera-t-il modifié ? Les quelques fuites de ces dernières semaines, relayées par le journaliste Tariq Panja, parlent de retraits de points lors de la phase de poule unique, de relégation vers la Ligue Europa ou la Ligue Europa Conférence, et d’exclusion. Il est donc difficile pour le moment de parler d’un éventuel allègement : la règle en elle-même devient nettement plus stricte et le premier niveau de sanctions devient plus transparent… Tout dépendra ensuite de l’évolution de celles plus lourdes et de leur application.

Que représente alors ce plafond de 70% pour un club comme le PSG ? En temps normal, c’est-à-dire avant le Covid, le PSG flirtait avec cette limite. Nos observations montrent que d’autres clubs européens en étaient et pouvaient le dépasser occasionnellement. Avec l’ancien FPF, qui limitait l’ensemble des dépenses, un ratio de 70/30 entre celles liées à l’équipe et les autres semblait donc être une règle naturelle pour rester dans les clous. On comprend pourquoi Nasser souhaitait que le nouveau plafond soit le plus haut possible (autour de 85%) quand les clubs les mieux gérés voulaient descendre sous les 70%.

Estimations avec les chiffres de la DNCG, de l'UEFA, de Deloitte et de L'Équipe, marge d'erreur de +/-5% due aux manque de détails sur la part de l'équipe masculine dans la masse salariale

Par la suite, le Covid et l’assouplissement du FPF qui l’a suivi ont forcé et/ou permis au PSG de largement dépasser le plafond des 70% et les limites initiales imposées par l’UEFA. Paris s’exposerait-il à de lourdes sanctions sportives avec l’introduction des nouvelles règles dès la saison prochaine ? Pas vraiment, puisque le plafond de 70% ne sera mis en place qu’à partir de 2025-26, avec une première limite de 90% en 2023/24 puis de 80% en 2024/25. Le PSG va donc devoir dégraisser ou augmenter ses revenus pour limiter dans un premier temps ses pertes (qui ne devront pas dépasser 30 millions d’euros la saison prochaine) puis faire descendre son ratio des frais liés à l’équipe sous les 90% avant 2023/24. Sans dire que la mission sera facile, elle est loin d’être impossible.

On peut alors noter que Nasser, qui s’est rapproché de l’UEFA en prenant la tête de l’ECA après le départ d’Agnelli, aura su profiter d’un laxisme qu’il a sans doute lui-même encouragé entre 2020 et 2023, voire 2025. Si les nouvelles règles ne lui sont pas particulièrement favorables, leur mise en place tardive l’aide beaucoup : sans épidémie, le PSG n’aurait jamais pu recruter Messi, Donnarumma, Ramos, Wijnaldum et Hakimi puis prolonger Mbappé.

Finalement, ce nouveau FPF suit les mêmes principes que l'ancien : il protège les clubs d'un endettement insoutenable mais rend plus difficile le rattrapage de l'élite par ceux qui souhaiteraient investir massivement dans leur effectif et fige un peu plus les positions. D’ici 2025, l’enjeu pour le PSG sera donc de refaire une partie de son retard sur les 5 les plus riches du monde en signant par exemple de nouveaux accords de sponsoring grâce à ses stars. Par la suite, en revanche, le contrôle plus strict de la valeur réelle des contrats promis par l’UEFA ainsi que les inconvénients d’évoluer en Ligue 1 (charges plus élevées, joueurs souvent surpayés) devraient avoir un effet plus négatif.

Paris n’est donc pas nécessairement en difficulté du point de vue des règles de l’UEFA. On peut en revanche reprocher au Qatar d’avoir profité du Covid pour surinvestir et mettre la pression sur l’ensemble des clubs qui pourraient subir une nouvelle inflation des salaires. On pourrait également faire ce reproche à Kylian Mbappé, qui n’a pas hésité à tirer profit d’une situation qui lui était favorable. Pour quel résultat ? Beaucoup plus d’argent pour lui (on parle d’un total compris entre 220 et 280 millions d’euros sur 3 ans), et probablement moins pour les fans : nouveaux formats, Super Ligue, prix des abonnements et des billets… Si les salaires des joueurs augmentent et les limites imposées par l’UEFA se durcissent, on peut s’attendre à une nouvelle vague d’idées de la part des clubs pour augmenter leurs revenus.

Un dernier point sur l’ironie de voir le Real reprocher au PSG de vouloir se créer ou garder une équipe de stars : on comprend bien la différence mise en avant entre un club qui dépense ses propres revenus et un autre soutenu par un investisseur aux moyens illimités. Pour autant, le Real a largement bénéficié de la mutualisation tardive des droits TV de La Liga pour se développer et maintenir son rang dans les années 2000. On comprend aussi la différence entre un projet qui repose sur l’actionnariat populaire et un autre qui fait la promotion d’un État aux valeurs parfois éloignées de celles des fans, alors même que l’UE interdit à ses propres pays membres d’aider les clubs. Paradoxalement, et même si ce dernier argument est valable, c’est bien le projet porté actuellement par Florentino Pérez qui ferait le plus de mal au football européen.

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