Real Madrid 3-1 Paris SG : expliquer l'inexplicable

Écrit par F.Toniutti, le 10 mars 2022 à 18:00. Mis à jour le 11 mars 2022 à 13:50.

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À Madrid, le PSG est tombé de très haut. Mais est-il possible de tirer des enseignements d'une rencontre qui semble n'avoir basculé que sur une erreur ? Tentative d'analyse du rapport de force de ce match retour.

Même plan, intensité différente 

Si le PSG avait dû attendre les arrêts de jeu pour prendre l’avantage, le  match aller était une référence dans sa saison au niveau de l'intensité. Les Parisiens avaient réussi le tour de force de mettre sous pression une équipe madrilène réputée “impressable” – même si le départ de Sergio Ramos l'été dernier a mis un petit coup à cette légende. 

Sur le plan tactique, Mauricio Pochettino a sans surprise reconduit les grandes lignes de son plan de l'aller. Danilo est resté dans ce fameux rôle hybride le plaçant en couverture d'Achraf Hakimi lorsque le PSG était dans le camp adverse (phase de possession et de pressing) et dans une position plus habituelle de milieu axial droit lorsque son équipe se retrouvait dans sa moitié de terrain. 

Lorsque le Real repart de ses 30m, on retrouve le même marquage individuel tout terrain côté parisien. 

Mais lorsque l’on parle de pressing, placer les joueurs sur un tableau ne suffit pas. Tout va dépendre de leur capacité à faire les courses sur le porteur de balle pour amorcer la mise en branle de tout le collectif. À l’aller, Paris avait été porté par l’activité d’Angel Di Maria. L’Argentin avait terminé la rencontre avec 37 actions de pressing dont 14 au milieu de terrain et 16 dans le tiers défensif du Real. Au total, le club de la capitale avait même réalisé 71 pressions dans les 30 mètres adverses, son deuxième meilleur total de la saison. 

Combien en a-t-il réalisé mercredi soir ? 14. Au sein du trio d’attaque, aucun joueur n’a repris la part de Di Maria. Lionel Messi a terminé la rencontre avec 5 pressions dans le tiers du Real Madrid… ce qui est le plus haut total pour un joueur parisien dans cette zone. S’il s’était parfois retrouvé esseulé dans son pressing à l'aller, Di Maria avait plus d’une fois entraîné le reste de l’équipe dans son sillage. 

Mbappé vient de perdre le ballon. Plutôt que de déclencher quelque chose en allant vers le porteur de balle, Neymar se tourne vers l’arbitre pour demander un coup de sifflet.
Militao peut directement trouver Modric qui s’est rendu disponible en décrochant. À partir du moment où un joueur n'avance pas dans le premier rideau, les autres lignes restent compactes dans l'entrejeu. 
Aucun Parisien n’a suivi le milieu de terrain croate qui a tout le loisir de lancer Vinicius pour permettre au Real de progresser. 

Sans déclencheur aux avant-postes, Verratti et Hakimi – qui suivaient Di Maria au nombre de pressions tentées à l’aller – ont passé beaucoup de temps à faire des courses de repli au lieu d’aller agresser et de défendre en avançant. À eux deux, ils ont réalisé 33 de leurs 47 pressions dans leur zone défensive ; trois semaines plus tôt, ils avaient accompli 44 pressions sur 59 au milieu ou dans le tiers madrilène… 

À gauche, les pressions parisiennes à l'aller. À droite, les pressions lors du match retour. 

Au total, le PSG a tenté 135 actions de pressing contre 189 à l’aller, avec une large majorité dans sa zone défensive. Paradoxalement, le pourcentage de réussite de ces actions n’a pas drastiquement chuté (34,1% contre 36,5%) et reste l’un des plus élevés de la saison pour une équipe affrontant le Real Madrid. 

On peut en déduire que l’incapacité du PSG à reproduire la même performance tient plus au manque d’activité de la ligne avant que d’une véritable solution trouvée par le Real Madrid. Mentionnons tout de même deux choses dans ce domaine : la mobilité de Modric a posé beaucoup plus de problèmes à Paredes que Kroos à l’aller dans la même zone, et la titularisation de Valverde a offert à Courtois une deuxième cible à viser sur du jeu long. 

Une nouvelle bataille 

En n’allant pas chercher le Real aussi haut qu’à l’aller, le PSG a laissé son adversaire s’installer. En possession du ballon, les joueurs de Carlo Ancelotti ont comme d’habitude surchargé le côté gauche, où Vinicius est entré très fort dans la partie. Secondé par Luka Modric, le Brésilien recevait en plus les soutiens de Benzema ou Valverde, créant du surnombre et forçant Marquinhos, Paredes ou Verratti à venir aider le tandem Danilo-Hakimi. Là encore, on ne peut que repenser au travail défensif fourni par Di Maria à l’aller pour aider à la fermeture de ce couloir. 

Sans pression de la part de la première ligne parisienne, Alaba peut trouver facilement Valverde dans une zone où Hakimi et Danilo doivent déjà gérer Vinicius et Modric. 
Les positions moyennes des deux équipes avec le ballon, où l’on constate très clairement que le Real Madrid penche à gauche avec Vinicius, Benzema, Modric mais aussi Valverde dans une position bien plus axiale que son rôle de relayeur droit ne le laissait présager au départ. 

En position haute, les Madrilènes ont donc insisté sur l’aile gauche (43% de leurs attaques) : Vinicius a beaucoup tenté (14 dribbles), sans que cela n'aboutisse forcément. À défaut d'offrir des positions de tir, cela avait le don de fixer Paris d'un côté et de libérer l'opposée, permettant à Carvajal et Asensio d'envoyer des centres. À 0-0, Karim Benzema a été trouvé à deux reprises dans les airs (Asensio 34e, puis Kroos 37e) sans parvenir à tromper Donnarumma. Une troisième et dernière occasion de la tête a suivi en deuxième période sur un service de Rodrygo (67e). 

Si elle a surtout opéré dans sa surface, la défense parisienne a finalement très peu concédé pendant une heure. Pour preuve, le Real n’a quasiment pas tenté sa chanceau sol(pied gauche ou pied droit) depuis l’intérieur de la surface de réparation… jusqu’à l’heure de jeu. Seule une erreur de Marquinhos (27e) a fait passer un frisson devant les buts parisiens.

Mbappé, âme et arme 

Le PSG n’a pas su reproduire le match aller, mais en avait-il besoin ? Laisser venir un Real obligé d’aller chercher le résultat, c’était l’exposer au circuit direct et souvent létal qui permet à Paris de lancer Kylian Mbappé dans les grands espaces. Le premier exemple n'a pas tardé puisque, dès la 9e minute, Messi a ressorti un ballon de ses 30m et servi Neymar en relais, lequel a ensuite trouvé Mbappé dans la profondeur pour un premier duel avec Courtois.

Certes, les Parisiens ont encaissé une pression plus forte de la part du Real Madrid mais Marco Verratti a été très bon pour mettre ses partenaires dans le sens du jeu ou le faire avancer lui-même. Neymar et Messi ont également participé en décrochant pour créer des surnombres dans le cœur du jeu et faciliter cette progression. 

Le PSG est sous pression, Neymar décroche pour offrir une solution supplémentaire : Alaba n'ose pas le suivre, le Real souhaitant conserver une sécurité pour éviter le un-contre-un face à Mbappé. Sur cette séquence, c'est Carvajal qui va rentrer à l'intérieur pour marquer le Brésilien. 

Tout n'a pas été parfait durant cette période et le Real a profité d'erreurs techniques (Paredes, Neymar, Nuno Mendes) pour gratter des ballons haut. Il y a également eu un autre souci, encore plus gênant : les moments où les attaquants parisiens ont déconnecté des actions alors que le reste de l'équipe parvenait à se sortir de la pression adverse. 

Marquinhos vient de déjouer le pressing madrilène en s’insérant à hauteur de Verratti. Vinicius vient à l’intérieur pour freiner sa progression mais le Brésilien peut jouer vers l’avant. 
Encore faut-il qu’un partenaire se montre dans le demi-espace… Personne ne vient et le piège se referme sur le Brésilien qui envoie une passe plein axe dans la zone gardée par Modric et Kroos.
Le Real Madrid peut tranquillement récupérer le ballon, sous les yeux de Messi et Neymar qui n’ont servi à rien là alors que le jeu en attendait au moins un des deux dans la zone côté droit. 

Au final, le Real a eu beau presser plus haut et plus fort, il n'a pas forcément été plus efficace. Pour l’anecdote, son pourcentage de pressions réussies est exactement le même qu’à l’aller, au dixième près (23,5%).  Paris a ressorti plus de ballons qu’il n’en a rendu pendant cette première partie du match et s'est même autorisé des séquences de possession dans la moitié de terrain adverse, comme lors de l'aller.

Sur la seule qualité de son trio d’attaque, il est même parvenu à les transformer en occasions (Mbappé 14e, Neymar 22e, Messi 31e, Mbappé 34e, but refusé pour hors-jeu). La sanction est finalement tombée juste avant la pause sur une transition consécutive à un ballon perdu par Carvajal (39e). Neymar s'est même retrouvé à un duel près avec Militao de doubler la mise (45e+2) sur une nouvelle sortie de balle réussie. Bref, sans avoir besoin d’en faire autant qu’à l’aller, le PSG semblait tranquillement en route vers les quarts de finale de la Ligue des champions. 

Les joueurs de la capitale y croyaient sans doute un peu plus lorsque Mbappé mettait le ballon au fond des filets pour la troisième fois du match suite à une transition menée par Messi et une récupération haute de Hakimi (54e). Problème : l’assistant a une nouvelle fois levé son drapeau pour signaler un hors-jeu de l’attaquant, revenu à la charge deux minutes plus tard mais repris par Alaba (56e). 

Fatale demi-heure 

Vint alors l'erreur de Gianluigi Donnarumma, pris par le pressing de Benzema (61e). Et, à partir de cet instant, on serait rapidement hors-sujet si l’on prenait le soin de s’attarder tactiquement sur le reste de la rencontre. Notons tout de même le fait que Paris a eu de véritables opportunités pour éteindre l’incendie en faisant de la possession défensive lorsque Lionel Messi est sorti de sa torpeur pour offrir des solutions à Verratti, qui ne trouvait plus autant de partenaires prêts à aller de l'avant. 

Paradoxalement, c’est au bout d’une de ces séquences positives que les Parisiens ont encaissé le deuxième but (puis le troisième, celui-ci arrivant sur le coup d’envoi), Neymar et Gueye n’osant pas faire la faute qui aurait dû empêcher Modric de mener la transition (76e) au départ de l’action. Quelques minutes plus tard, les Madrilènes Camavinga et Vazquez n’ont eux pas fait de fioritures lorsqu’il a fallu stopper Neymar ou Mbappé en pleine accélération vers le but adverse… 

Gueye et Neymar laissent partir Modric… 
Vazquez tend la jambe pour mettre fin à l'occasion de Mbappé. 

L’erreur de Marquinhos, passeur décisif sur le troisième but, renvoyait elle à une autre bêtise, faite quelques minutes auparavant. Nuno Mendes aurait en effet pu offrir le 2-1 à Vinicius quelques minutes plus tôt si le Brésilien s’était montré plus adroit face à Donnarumma (73e) sur une action étonnamment similaire. Benzema a finalement enfilé le costume trois buts du héros de la soirée grâce au défenseur brésilien. 

Sonnés puis KO

Que dire ? Sur les 180 minutes de jeu, le PSG en a certainement maîtrisé 150. Dans un match de boxe, la décision des juges aurait été unanime en sa faveur. Mais quand deux poids-lourds s'affrontent, le moindre temps faible peut amener au KO. Groggys après l'égalisation, les Parisiens ont fait illusion mais l'issue ne faisait guère de doute : il a suffi de deux accélérations du Real Madrid (Modric et Rodrygo) pour les mettre au tapis sans que personne ne réagisse, sur le terrain comme sur le banc de touche. 

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